Constats d’infraction aux personnes en situation d’itinérance : la Ville de Québec doit changer d’approche

Face à une crise de l’itinérance qui s’aggrave, un récent rapport montre que les constats d’infraction remis aux personnes en situation d’itinérance à la Ville de Québec sont en augmentation. En tant qu’organismes œuvrant auprès de cette population, judiciariser les personnes en situation d’itinérance accentue la crise et nous revendiquons le retrait des règlements et des pratiques discriminatoires.

Dans les dernières années, les élu-es municipaux ont pris des engagements et mis en place des actions pour améliorer le sort des personnes en situation d’itinérance. Malgré tout, en janvier 2024, l’étude de l’Observatoire des profilages révèle que les personnes en situation d’itinérance paient fortement le prix des règlements et des pratiques discriminatoires de la Ville de Québec.

Selon l’étude, la proportion des constats émis à cette population est en augmentation. En 2020, c’est 20% de l’ensemble des constats remis en vertu des règlements municipaux qui ont été destinés à des personnes en situation d’itinérance. Pourtant, cette population représente environ 1% de la population de la Ville de Québec.

Des règlements discriminatoires

Parmi les règlements municipaux, le Règlement sur la paix et le bon ordre est particulièrement problématique. Ce règlement comporte plusieurs articles qui vont à l’encontre des efforts de la Ville de Québec qui veulent améliorer le sort des personnes en situation d’itinérance.

Voici quelques exemples :

Article 5 : Il est interdit à une personne, sans motif raisonnable dont la preuve lui

incombe, de flâner, de vagabonder ou de dormir dans une rue ou dans un endroit public.

Article 11 : Il est interdit de mendier ou de solliciter dans une rue ou dans un endroit

public.

Article 19.3. Il est interdit de se trouver dans un parc entre 23 heures et 5 heures le

lendemain.

Il n’est pas difficile d’imaginer comment des interdictions de dormir dans un endroit public, être dans un parc la nuit ou de mendier visent particulièrement les personnes en situation d’itinérance. Où devrait aller dormir une personne sans logement lorsque les refuges sont pleins selon ce règlement?

On peut aussi ajouter l’article 4 stipulant : « Il est interdit, dans un endroit public ou dans une rue, d’avoir en sa possession quelque objet, matériel ou équipement servant à la consommation d’une drogue illicite. ». Or, dans une logique de réduction des méfaits, le système de santé publique et des organismes communautaires fournissent ce matériel. Ainsi, une personne peut recevoir un constat d’infraction par le SPVQ pour posséder du matériel sécuritaire fourni par l’État, c’est incohérent.

Ces articles du Règlement sur la paix et le bon ordre, et plusieurs autres, touchent particulièrement les personnes en situation d’itinérance et sont discriminatoires par le fait même.

Des pratiques discriminatoires

Pour la Clinique Droit de Cité, cette étude arrive sans surprise. En effet, des personnes accompagnées par la Clinique ont déjà nommé se sentir harcelées, suivies ou interpellées sans raison par la police. Étant plus souvent en contact avec les policiers, il en résulte nécessairement plus d’interpellations et de remises de constats d’infractions.

Lorsqu’une personne en situation d’itinérance reçoit un constat d’infraction, l’intervention policière peut engendrer une escalade de la situation, au point où des personnes initialement interpellées pour une infraction liée à une stratégie de survie se retrouvent parfois avec plusieurs constats au coût de 230$ et plus chacun. Au fil des ans, certaines personnes en situation d’itinérance à Québec ont accumulé plusieurs dizaines de milliers de dollars de dettes liées à des infractions municipales.

Pour un retrait des règlements et pratiques discriminatoires

Bien que nous saluons les actions de la Ville de Québec et de ses élu-es pour améliorer le sort des personnes en situation d’itinérance, force est de constater que certains règlements et pratiques de la Ville vont à l’encontre de ces intentions.

L’approche de la judiciarisation mise en place dans les dernières décennies ne livre pas des résultats en cohérence avec le discours de la Ville et doit être changée.

Ainsi, face à l’échec de cette approche, nous demandons au comité exécutif et à la mairie de retirer les règlements discriminatoires et de faire cesser les pratiques qui mènent à la judiciarisation des personnes en situation d’itinérance.

Signataires :

Annie Aubin, Organisatrice communautaire, Clinique Droit de cité

Jean Claude Bernheim, Président, Clinique Droit de cité

Mario Gagnon, Point de repères

Ligue des droits et libertés – Section Québec

Sophie Tremblay, stagiaire en travail social – Regroupement d’éducation populaire en action communautaire de Québec et Chaudière-Appalaches

Anthony Cadoret – Regroupement d’éducation populaire en action communautaire de Québec et Chaudière-Appalaches

Gabrielle Verret, permanente, Comité populaire Saint-Jean-Baptiste

Véronique Girard, Directrice générale, SQUAT Basse-Ville

Elsa Baudry; Intervenante; Gîte Jeunesse

Laurent Metais, Coordonnateur à la vie communautaire et associative, Centre résidentiel et communautaire Jacques-Cartier

Selma Lavoie, Action chômage de Québec

Émilie B. Breton, intervenante, Centre des femmes de la Basse-Ville

Nicole Dionne, Coordonnatrice Bureau d’animation et information logement

Marie-Noëlle Béland directrice générale et Émilie Leclerc agente de mixité à l’Engrenage Saint-Roch

Léa Nadeau-Cousineau, Conseillère clinique (et directrice clinique par intérim), Centre Elizabeth Fry de Québec

Share