La prévention plus que la répression

La Ligue des droits et Libertés – section Québec et le Regroupement d’éducation populaire en action communautaire des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches s’inquiètent des dérapages de l’approche et du discours répressif que semble adopter le gouvernement Legault depuis le début de la seconde vague de la COVID-19. Bien que les groupes soient conscients des défis pour les autorités, les services publics et l’ensemble de la population liés à la deuxième vague, ils sont tout aussi préoccupés par les nouvelles mesures répressives. Par ailleurs, la confusion entourant celles-ci ne fait qu’ajouter à leur inquiétude. 

Surveiller et punir

Cette pandémie n’est pas une guerre, ni une crise au niveau de la sécurité publique, mais un enjeu de santé publique. La population doit certes être mobilisée dans un effort sans précédent de santé publique, mais elle n’a pas à être constamment surveillée, épiée et punie. La surveillance des citoyennes et des citoyens via l’utilisation de technologies permettant le traçage des contacts (contact tracing) n’est ni souhaitable, ni nécessaire, pas plus que l’intégration de pratiques punitives en santé publique.  Depuis le dépôt au printemps du projet de loi 61, – projet abandonné au courant de l’été dans la controverse  – nous sentons que les priorités du gouvernement caquiste dans le dossier de la COVID 19 ont changées. Cette approche qui place la relance économique au coeur des préoccupations gouvernementales (port du masque, distanciation sociale, etc) exigent une discipline accrue de la population. Or, c’est à la fois le discours et les mesures de contrôle qui ont changés. En effet, depuis le début de la seconde vague, le gouvernement a adopté un discours beaucoup plus culpabilisant et paternaliste à l’égard de la population. On semble vouloir faire porter le fardeau à la population pour l’augmentation des cas. Or, on exige d’elle des résultats irréalistes, c’est tout bonnement impossible d’aplanir la courbe alors qu’on demande à la population de continuer de se présenter au travail et à l’école. Qui plus est, la majorité des éclosions se retrouvent dans ces milieux.  Maintenir une activité économique soutenue n’est pas un mauvais objectif, mais le gouvernement doit agir avec transparence et cesser de faire porter le poids des hausse de transmissions à la population. La suite malheureuse de ce glissement de discours, c’est aussi l’arrivée de mesures répressives et punitives.

S’il est vrai que le gouvernement déploie des efforts d’éducation et de sensibilisation, on questionne fermement l’idée que les agents d’éducation privilégiés par le gouvernement soit en fait les corps policiers qu’on a munis de nouveaux «outils» pour punir les mauvais élèves. Est-il une fois de plus nécessaire de rappeler toutes les voix qui s’élèvent dans la société contre la grande latitude qui est accordée aux corps policiers et qui mène à de nombreux dérapages? Pourtant c’est précisément ce que le gouvernement vient de faire, accorder encore plus de pouvoir discrétionnaire aux policiers, qu’il a chargé de surveiller et de punir. Nous comprenons la frustration de voir une infime minorité de la population bafouer les mesures sanitaires, mais nous croyons également que de privilégier les mesures répressives risquent fort d’accentuer la cassure et provoquer la cristallisation du mouvement d’opposition aux mesures sanitaires.

Pour une santé publique et communautaire

Qui plus est, il est hypocrite de faire entièrement porter la responsabilité sur les individus alors que  les politiques d’austérité des dernières décennies ont dégradées les services publics sur lesquelles repose la lutte contre la pandémie. À titre d’exemple, les écoles vétustes dont la ventilation fait défaut, la rareté du personnel en santé qui oblige les déplacements entre institutions, l’écart des inégalités sociales qui se creuse, la santé publique dont le budget a été gravement amputée et qui ne parvient pas à faire les suivis dans des délais raisonnables participent à la propagation du virus. L’absence de volonté politique dans la protection de l’environnement fait également craindre la résurgence de d’autres pandémies. 

Bien qu’un important effort collectif est nécessaire pour aplanir la courbe, le gouvernement doit avant tout miser sur la prévention, la transparence, l’information, les investissements massifs dans l’ensemble des services publics (santé, services sociaux, éducation) plutôt qu’opter pour une approche répressive, punitive et moralisatrice qui favorise un climat de suspicion, d’espionnage et de délation et qui accentue la cassure sociale. 

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